[m] ▬ I trust you, me neither.

« Salut. »
Une voix m’avait fait sursauter. Je relevai la tête négligemment, surprise que qui que ce soit m’adresse la parole. J’attendais, assise sur les marches de l’université, le début de mon prochain cours.
« Bonjour. »
C’était un grand brun aux allures un peu macho. Il portait des lunettes de soleil et une veste en cuir ajusté qui devait coûter le prix de mon appartement à Sidney.
« C’est toi, la nouvelle. Hm. Azariel ? »
Je ne pus retenir un grimace tout en hochant la tête.
« J’m’appelle X. Tu sais, les gens racontent des trucs sur toi ici. »
« Quel genre de trucs ? »
Il s’assit à côté de moi, un sourire amusé accroché aux lèvres.
« Il parait que tu es née ici, partie ensuite. Que ta mère s’est tuée. »
Il semblait trouver ça très amusant. D’un bond, je me redressai sur mes jambes. Dans un regard glacial, je ne pus m’empêcher de répliquer.
« Les nouvelles vont vite. »
L’espace d’un instant, il sembla déstabilisé. Mais je partis tellement vite qu’il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soir.


La porte de mon casier claqua devant moi, laissant apparaitre un visage familier. Depuis deux mois que j’étais ici, il ne cessait de me courir après.
« J’ai mes chances aujourd’hui, Berlioz ? »
J’ai secoué la tête d’un geste las.
« Tu sais que t’es lourd, X ? »
Il attrapa mon bras, et me força à me tourner vers lui.
« Sérieusement, est-ce qu’on peut recommencer à zéro, toi et moi ? »
J’ai dégagé mon bras et me suis éloignée, une fois de plus.


La musique résonnait dans mes oreilles et dans chaque partie de mon corps tant les basses étaient fortes. J’étais debout, accoudée au bar de la boite, un peu éméchée. J’étais venue ici avec une bande de filles qui voulaient m’intégrer.
Cela faisait plusieurs semaines que j’essayais de le faire, mais ça ne changeait rien. Pour tout l’monde, j’étais la petite nouvelle intello et coincée avec sa folle de mère suicidée.
L’idée me fit rire, amplifiée par l’alcool. Un gros lourdaud se plaça à ma droite et m’enlaça avec son bras transpirant.
« Salut, beauté. »
Oups. Une alerte dans mon cerveau semblait me crier de m’enfuir en courant, mais l’alcool m’empêcha d’obéir.
« Heeey, salut ! »
J’éclatai de rire en sentant sa main descendre carrément sur mes fesses. Il me paya un verre et en profita pour me tripoter allégrement. Je bus le liquide en une gorgée, et il me regarda faire, visiblement très amusé par le spectacle.
« Y’a trop de bruit, ici, ça te dirait, un endroit plus calme ? »
Ma parole, ce gars avait raison ! Il y avait bien trop de bruit ici.
« Ouais ! Un endroit plus calme ! »
Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous nous sommes retrouvés dans les toilettes. Gros lourdaud me poussa dans une des cabines, et sentant l’arnaque, je commençais légèrement à paniquer, malgré l’euphorie de l’alcool.
« On peut retourner là-bas, peut être ? »
Il ne semblait pas d’accord du tout. Il posa ses grosses mains sur mes hanches, directement sous mon t-shirt.
« Noon… »
« Y’a un problème. »
Amen. Une autre voix. Quelqu’un allait me sauver.
J’entendis des bribes de conversation, puis de l’agitation, et quelqu’un me soulever… puis, plus rien.

« OH MON DIEU ! » Je rugis en me redressant. J’étais étalée dans un lit inconnu, et des bribes de souvenir de la soirée me revenaient en mémoire. Gros lourdaud… Un souffle de panique monta en moi, tandis que je sortis du lit à la hâte. J’étais habillée – sauf de mon jean, qui trainait par terre.
« Bonjour. »
Je clignais des yeux, et, me retournant, me retrouvai nez à nez face à X.
« Mais… »
Il m’avait sauvé. C’était lui qui m’avait trouvée avec l’autre dans les toilettes, lui le deuxième homme. Je me rassis sur le bord du lit, et ne pus retenir les larmes qui montèrent. Je faisais n’importe quoi dans le but de prouver que j’étais une fille cool, et voilà où ça me menait. Il s’approcha doucement, s’assit à côté et passa son bras autour de mes épaules.
« Je crois que j’ai mérité une deuxième chance. »